Claude Nadeau, musique classique - clavecin, orgue... musique baroque

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mardi 10 octobre 2017

Une organiste qui joue pour des obsèques...

Je reviens de jouer aux obsèques de l'épouse d'un ami sonneur de bombarde. C'est lors de ces moments que je me sens le plus utile, que ça sonne le plus juste, que je me sens vraiment à ma place : j'ai reçu la musique pour la redonner, et ce don je le mets à la disposition de mes semblables pour rythmer les grands passages de leurs vies : naissances, unions, et le grand saut vers l'inconnu, l'éternité peut-être, à moins qu'elle ne soit déjà commencée. Dans ces moments, on sait ce qu'on fait, et pourquoi on est là. A aucun autre moment je ne me sens plus légitime.

Et pourtant, tant d'obsèques se déroulent sans musique! (NB amis organistes québécois : en France, l'orgue n'est pas "inclus" à l'église, il faut se débrouiller et venir avec son propre organiste, et comme la plupart des gens ne connaissent pas d'organiste... Paris, Lyon et la plupart des cathédrales faisant toutefois exception, mais c'est minoritaire au regard de la majorité des paroisses) La plupart des obsèques se déroulent donc sans musique, avec un brave chantre qui fait son possible ou un célébrant qui chante seul, ou pire encore avec un CD. Pourtant il existe des musiciens liturgiques, formés, compétents, disponibles. Mais les freins sont clairs: ce n'est pas qu'il n'y a pas d'organistes. Il y en a. C'est d'une part qu'il faut accepter que c'est un travail, et comme le dit la Bible, "tout travail mérite salaire"; ensuite, il serait bon de réfléchir à fédérer les musiciens qualifiés et disponibles (on s'appuie pour le moment sur les réseaux personnels, untel qui connaît untel, il n'existe aucun listing), et enfin (surtout?) il faut remettre au coeur de l'Eglise les textes qui affirment la place de l'orgue dans la liturgie. Pas le djembé, pas la guitare, pas le cd. L'orgue, comme premier instrument liturgique. Je ne l'invente pas, je ne prêche pas pour ma paroisse, c'est dans les textes.

Il y a du boulot! là où j'ai joué aujourd'hui (pas ma paroisse), j'ai été accueillie par le curé qui s'est empressé de me dire que l'orgue n'était "que" l'un des éléments, facultatifs, de la liturgie (se réfugiant derrière l'argument: oui mais c'est le Christ le plus important... et fin de la discussion...) Quand j'entends cela, je suis triste, et je me demande : oui mais nous qui avons reçu ce don, puis qui nous sommes formés, pendant 10 ans, 20 ans, en musique, en liturgie, en théologie même parfois, on fait quoi maintenant?

Enfin bon, entre dans la Lumière, chère M...; quant à moi j'éprouve de la gratitude d'avoir pu accompagner ces obsèques avec trois des meilleurs sonneurs de Bretagne, qui ont, eux aussi, donné une musique priante, intense, belle, pleinement à sa place dans cette liturgie. Dans le dernier verset d'Ar Baradoz, avec l'orgue en tutti et les bombardes qui chacune improvisait une 2e voix, je n'étais pas la seule à avoir les larmes aux yeux. Ce n'est pas au Stade de France, ce n'est pas au Quartz, ni au Moustoir que ce genre de moment a lieu. C'était dans une humble église de Bretagne, aujourd'hui.

Pardon de Saint Cornély à Carnac

Le 10 septembre 2017 s'est tenu à Carnac le Pardon de la St Cornély!

Patron de la paroisse de Carnac, saint Cornély est le plus connu des saints bretons protecteurs du bétail, et notamment des bêtes à cornes. C’est pourquoi tous les ans lors du pardon, les éleveurs amènent leurs animaux pour les faire bénir, et profiter en famille de tout ce qui caractérise nos pardons de Bretagne : procession avec les bannières, musique, et convivialité.

La journée a débuté à 11h par la messe solennelle en l’église Saint Cornély, avec chants, cantiques en breton, bombarde et orgue, et s'est poursuivie sur le parvis avec sonneurs, danse, et apéro. Puis, à 15h, a débuté la procession, suivie de la bénédiction des bêtes.

Evel just hor yezh en deus bet e blas b’ar gouel, hag hon eus c’hoant bras da « advrezhonekaat » ar Pardon-mañ en ur implijout tud ha bugale ar vro!
Bien sûr, le breton a eua toute sa place dans la fête, et nous souhaitons impliquer tout particulièrement les bretonnants, grands et petits, dans les prochaines éditions du pardon!

N’eus ket deus ur plantenn hep roudou, ha n’eus ket deus Breizh hep e sevenadur. Deomp-ni da c’hoari bremañ evit kenderc’hel gant an hengoun vev : kontañ a reomp warnoc’h -hag o chatal!- evit lidañ Sant Korneli war an ton bras e devezh ar Pardon !
Il n’y a pas de plantes sans racines, et pas de Bretagne sans sa culture. A nous de jouer pour garder vivante la tradition : nous comptons sur vous -et sur vos animaux!- pour célébrer Saint Cornely avec une belle fête pour le pardon dans les années à venir!

Lire aussi le compte-rendu de Yves Daniel sur le blog Ar Gedour
Merci à Hervé Cudennec pour sa très belle vidéo et pour son chant en breton lors de la cérémonie!

dimanche 12 septembre 2010

" L'Art dans les chapelles. Concert de clôture avec les Jeudis de Quelven"

article paru dans Le Télégramme"

Mercredi, à la chapelle Notre-Dame de Quelven, en Guern, Jean-Yves Le Juge, organisateur du festival de musique Les Jeudis de Quelven, et Bernard Delhaye, président de l'Art dans les chapelles, accueillaient Claude Nadeau, la directrice de l'orchestre Symphonie de Breizh, de Vannes, pour mettre au point le programme de la Journée du patrimoine, le dimanche 19 septembre. Ce jour-là, sous la présidence de Corinne Chauvin, sous-préfète de Pontivy, ce sera la clôture de la 19e édition de l'Art dans les chapelles, en partenariat avec l'association Les Jeudis de Quelven, qui fête son dixième anniversaire cette saison.

Le programme

De 14h à 16h30, une visite guidée du sanctuaire avec accès à l'orgue est proposée; à 17h précises (les portes seront fermées à 17h03), un concert baroque sera donné par l'orchestre Symphonie de Breizh, sous la direction de Claude Nadeau; au programme, deux concertos pour orgue de Haendel, un Stabat Mater de Pergolèse, un extrait d'une messe de Jean-Pierre Danigo, un motet de Daniel Daniélis; à 18h, la journée s'achèvera avec le verre de l'amitié.

"Esprit de redécouverte"

L'artiste claveciniste, Claude Nadeau est née à Montréal (Québec) dans une famille de musiciens; elle parle le breton. Après ses études à l'université et au conservatoire, en 2007, elle devient soliste à l'Opéra de Paris et se produit dans le monde entier. Artiste en résidence à Vannes, de janvier 2008 à décembre 2009, elle a créé l'ensemble Symphonie de Breizh, composé d'une dizaine de musiciens et de deux chanteuses. "Notre ambition, souligne-t-elle, est de jouer la musique baroque en utilisant les instruments ainsi que les techniques de l'époque et en s'appuyant sur les sources originales, dans un esprit de redécouverte des trésors des XVIIe et XVIIIe siècles".

vendredi 27 novembre 2009

Nouvelles vidéos de concerts : Daniélis, Balbastre, Danigo, Pergolèse

Un peu de musique dans ce monde de brutes...


Jean-Pierre Danigo : Messe "cum quatuor vocibus" - Christe Eleison

Domine Deus (extr. Credo)
Ensemble baroque Symphonie de Breizh, direction Claude Nadeau. Solistes : Bleunwenn Mevel, soprano et Justine Curatolo, mezzo

Stabat Mater (Pergolèse)
concert du 13 août 2009 à Plescop (56)

Daniel Daniélis : motet Caeli rores
motet "Jesu dulcissile pastor" (extrait)
par des chanteurs issus de la Maîtrise de Vannes, direction Christophe Le Marrec concert d'élèves du 20 novembre 2009, auditorium des Carmes, Conservatoire de Vannes Volny Hostiou, serpent Claude Nadeau, orgue continuo

motet : Jesu mi

Balbastre : A la venue de Noël (orgue solo)

Jehan Titelouze : Ave Maris Stella (alternatim) Concert de professeurs et d'élèves, semaine thématique sur la musique ancienne Lilan, ténor (classe de Agnès Brosset) Volny Hostiou, serpent Claude Nadeau, orgue - concert d'élèves du 20 novembre 2009, auditorium des Carmes, Vannes

mardi 18 août 2009

Orgue à vendre au Québec, pas cher pas cher

approchez, appppppprochez Mesdames et Messieurs, voici que le Québec brade son patrimoine religieux, son seul, son unique patrimoine historique, LE VOICIIIII!!!!! pour vous braves gens ce sera non pas trente mille, non pas vingt mille mais seulement 19 499,99$ (12 500€) pour un orgue à tuyaux TROIS CLAVIERS , l'opus 100 de Casavant (!!!) allez-lez-leeez on se fait plaisir pour trois fois rien!

A titre de comparaison, c'est le type d'orgue (3 claviers, 47 jeux) qu'on pourrait retrouver, en France, dans une cathédrale (eh oui, au Québec, pays d'orgue s'il en fut un, la moindre église paroissiale est équipée d'un orgue de cathédrale). Et pour les connaisseurs, Casavant est un peu l'équivalent de Cavaillé-Coll, dont il fut l'élève d'ailleurs. Au bas mot, l'instrument doit valoir dans les 500 000€... (on compte généralement 10 000€ par jeu environ pour un orgue neuf)

Honte aux Québécois qui liquident leur culture sans état d'âme! c'est tout ce qu'on avait et on l'a vendu!

Je souligne au passage qu'il s'agit de l'église Saint Louis DE FRANCE : pas mal de pays on une paroisse St Louis de France, en hommage à la France éternelle (hum), où personne ne réagit et tout le monde s'en fout !

Allez Mesdames, allez Messieurs, on liquide tout, tout est à vendre, même l'âme de notre pays!

http://montreal.kijiji.ca/c-acheter-et-vendre-instruments-de-musique-Orgue-Casavant-1946-Organ-W0QQAdIdZ138878949

D'autres paroisses, un scandale dont personne ne parle

Lu dans le journal Le Flambeau:

Un vent de rébellion a soufflé sur l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, lors de l'office du 6 mai dernier. La proposition de l'archevêché de fermer la fabrique pour concentrer la mission pastorale à l'église Saint-Clément a reçu une fin de non-recevoir des paroissiens.

Joyau du patrimoine, l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, considérée longtemps comme la "cathédrale de Maisonneuve", fait face depuis quelques années à des difficultés financières récurrentes. L'église qui possède un des plus beaux orgues Casavant en Amérique du Nord affiche un déficit annuel d'une centaine de milliers de dollars. lire la suite

Depuis la rédaction de l'article, l'église a été fermée, tout comme l'église Saint Clément de Viauville, évoquée dans l'article pour "relocaliser" les fidèles, qui sera transformée en "centre de soins". Je me permets de souligner que l'orgue de Très St Nom, Casavant 4 claviers, 6000 tuyaux, a été restauré dans les années 90 pour plus d'un million de dollars aux frais du contribuable. J'avais eu le privilège de donner un concert en 98 dans cette église, qui comporte par ailleurs de magnifiques vitraux du célèbre maître-verrier Guido Nincheri ainsi que des toiles marouflées de grande valeur.

On ferme ces églises, on vend les orgues, on liquide le patrimoine et tout le monde s'en fout. C'est un SCANDALE !

lundi 21 juillet 2008

Concet à l'orgue baroque historique (1709) de Notre-Dame de Quelven (Morbihan)

Première vidéo du concert: (4 min)

Quelven. Claude Nadeau en concert jeudi - Article paru dans Le Télégramme


Depuis le 1er janvier et pour deux ans, Claude Nadeau est en résidence à Vannes. Jeudi, l'artiste donnera un concert à Quelven. Son petit accent qui perdure ne trompe pas, cette claveciniste est bien d'origine québécoise. Sa passion de la musique l'a menée en France, puis en Bretagne. Au programme de ce concert :
Magnificat du Premier Ton (Livre d'orgue de Montréal), Deux chorals (J.-S. Bach), Salve Regina grégorien (chanté, sur le ton solennel), 2 Ricercar sur le Salve Regina (Manuscrit de l'Escurial), Lauda Sion (Arauxo), Kantig ar Baradoz - traditionnel "Le Paradis", extrait. "Huit chants de Bretagne" (Jean Langlais-1975), Deux Noëls, extrait du Premier livre (Claude Balbastre).

Concert à 17 h. Entrée libre
Tél. 02.97.27.70.08 (mairie). www.orgue-de-quelven.org

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mercredi 26 mars 2008

"Une journée avec Claude Nadeau" interview dans "Peuple breton - Pobl Vreizh", mars 2008

"Mardi 26 janvier. Claude Nadeau et moi avons rendez-vous sur le quai de la gare de Rennes. Je suis accueilli par un "Degemer mat e Roazhon" [bienvenue à Rennes] On sent qu'elle est ici chez elle, comme dans beaucoup d'autres endroits sûrement ! C'est la première fois que je rencontre Claude "en vrai", malgré sa forte présence sur Internet, notamment sur Facebook ou sur son blog. Claude Nadeau a déjà été l'invitée du Peuple breton en octobre 2004. Elle me l'avait promis : Un devezh gant Claude Nadeau a grog da 7 eur vintin hag a echuiñ da 2 eur noz ! [une journée avec Claude Nadeau débute à 7h du matin et se termine à 2h dans la nuit] Bref, d'emblée elle dégage une énergie immense et une réelle présence, qu'elle semble mettre au service de sa passion pour la musique et la langue bretonne..."

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dimanche 23 décembre 2007

Pour ou contre le travail le dimanche

La polémique enfle, faut-il oui ou non autoriser l'ouverture dominicale? En tant que musicienne et particulièrement en tant qu'organiste, j'aimerais participer au débat.

Oui mesdames et messieurs, c'est profondément injuste car voici des siècles que les églises sont ouvertes le dimanche et que les organistes travaillent dominicalement, sans être mieux payés et parfois même (souvent!) sans être payés du tout. Le premier des dix commandements de l'organiste n'est-il pas "Le dimanche tu travailleras, les jours de fête également"? Mais ce n'est pas là le seul sujet de récrimination, chers camarades.

Que dire en effet de l'emploi non-rémunéré des petits chanteurs dans les Maîtrises, martyrisés par leurs grands méchants patrons, j'ai nommé les ignobles, les infâmes chefs de choeur, sans que personne ne crie au scandale pour l'exploitation éhontée des enfants.

Sans compter le job de prêtre, où on constate une discrimination évidente au niveau du recrutement, discrimination li�e non seulement au sexe, mais aussi aux croyances religieuses!

Où va-t-on avec tout cela, je vous le demande.

PS: ceux qui n'ont pas d'humour, pas la peine de poster des commentaires incendiaires... ;-)


au boulot! accompagnement d'une messe, église St-Eustache, Paris

lundi 6 août 2007

Photos du concert de Lalouvesc

"Mais il va venir jusqu'ici, le public?" C'est la question que nous nous posions, alors que nous serpentions dans les cols qui mènent à Lalouvesc, 1100 m d'altitude dans les Cévennes, à 45 minutes de Valence. Une petite ville dotée d'une jolie basilique construite dans la seconde moitié du XIXe siècle, dans laquelle un orgue assez récent nous attendait. Un instrument assez étonnant en véité et un peu hétéroclite, puisque selon ce qu'on m'a expliqué on a récupéré des éléments de trois orgues différents pour en construire un seul. J'ai pu commencer à répéter dessus mardi pour le concert de jeudi, et tout naturellement j'ai proposé d'accompagner les messes de semaine tous les jours de ma présence à Lalouvesc, ce qui m'a permis de me familiariser avec l'instrument. Lalouvesc, près de 500 habitants de nos jours, fut un très grand centre de pèlerinage puisque c'est en cet endroit que mourut saint Jean-François Régis. Encore aujourd'hui, la présence des pères Jésuites et des religieuses du Cénacle est très affirmée.

Eh bien le public est venu, et la basilique était presque comble pour le concert du 26 juillet, qui ouvrait le festival "Promenades musicales à Lalouvesc". Le public enthousiaste nous a même gratifiés d'une ovation debout après le concert! Quel bonheur, d'autant plus que nous avons pris réellement un grand plaisir à faire ce concert, qui comportait, en ce qui me concerne, le concerto pour orgue en si bémol majeur op. 4 n° 7 de Handel (le même que j'ai joué à Quintin) ainsi que le Stabat Mater de Pergolèse (solistes : Lys Nordet et Jean-Pierre Tazé), dans lequel j'ai fait le continuo d'orgue.

L'orgue est situé dans la nef, à hauteur même du sol, ce qui a permis à l'orchestre de venir se placer tout autour de l'instrument. Un orgue avec de très jolies sonorités (et notamment de belles mixtures!), très lumineuses, et parfaitement appropriées pour Handel!

vendredi 20 juillet 2007

Enfin de l'orgue à la télé!

Les miracles se produisent souvent dans les églises. Et comme nous autres organistes nous fréquentons régulièrement ces lieux, statistiquement nous sommes bien placés.

Très mauvaise répétition mercredi soir avec l'Ensemble Instrumental du Val de Loire en prévision du concert de jeudi à la basilique de Quintin : la tribune de l'orgue étant trop petite pour accueillir l'orchestre, je joue le concerto op. 4 n° 7 de Handel (en si bémol majeur - celui qui est également souvent joué à la harpe) seule à la tribune alors que l'orchestre est en bas, dans le choeur. Ce qui n'a pas manqué de nous causer un problème MAJEUR de synchronisation! La basilique est vaste, le son y connaît une très belle résonance ; mais cela implique également un léger décalage entre le moment où l'archet fait vibrer la corde dans la nef et le moment où mes doigts font parler les tuyaux cent mètres plus loin (et quinze mètres plus haut! je laisse les trigonomètres calculer l'étendue de notre désarroi).

Résultat, une catastrophe: je n'entends l'orchestre qu'avec beaucoup de retard, le chef ne me voit pas, cachée derrière la console à trois claviers, tout le monde marche sur des oeufs et le résultat musical ressemble à une grosse soupe, ou plus précisément au kig ha farz qu'on nous a servi hier soir au dîner, avec le far bien "brujunet"! (émietté) - (pour les ignorants culinaires de ce délice, le kig ha farz est à la Bretagne ce que le couscous est à l'Afrique du nord... c'est dire! pauvre Handel!)

Rien de pire qu'une mauvaise répétition la veille d'un concert. Ca vous sape un moral, je vous jure! Surtout quand on a deux jours pour monter un programme de concert d'une heure et demie, avec la journée de travail qui commence à neuf heures du matin et qui se termine à 23h30! Je suis sortie mercredi soir de la Basilique livide, angoissée, perplexe. Normalement pour jouer ce genre d'oeuvre, soit l'orchestre est en haut à la tribune près de l'orgue (mais ici il n'y a pas la place), soit l'orgue est dans le choeur, comme à Carhaix, donc près de l'orchestre... Mais à Quintin, avec les contraintes évidentes du lieu, comment faire pour se synchroniser?

Je n'en ai pratiquement pas dormi de la nuit (et le chef d'orchestre non plus, m'avouera-t-il après le concert). Le problème lié à la configuration du lieu semble impossible à régler. Vais-je demain soir me couvrir de ridicule en transformant en soupe immonde mon premier concerto de soliste avec orchestre? D'autant plus que lorsqu'on est dans une position aussi inconfortable, les doigts se mettent à faire n'importe quoi. Tourne et retourne dans le lit, tic et tac la pendule, je compte les heures et je fais la crêpe en cherchant quel côté serait le plus susceptible de faire venir le sommeil. Mais quelle idée aussi de faire un concerto d'orgue dans des conditions aussi abracadabrantes. Et puis après tout, toutes les églises sont faites comme cela, ou presque, et on ne va tout de même pas s'empêcher de jouer du Handel pour si peu. D'ailleurs Handel, qu'aurait-il fait à ma place? C'était un musicien comme nous, il a certainement été confronté lui aussi à ce genre de problème. Tic, tic, tic, trois heures. Soupir. Et si je ne le jouais pas? Tant qu'à me couvrir de ridicule avec un magma informe et les doigts qui n'en font qu'à leur tête, autant ne rien jouer: la répétition de ce soir a été si mauvaise... Et puis d'abord, sale métier que celui de musicien. Mal payé, mal aimé, mal traité, mal apprécié du grand public toujours à l'affût de la moindre fausse note, c'est décidé, demain j'arrête. Et tant pis pour Handel. Et dommage pour ce beau trois-claviers et pour le jeu de keraulophone qui... qui... qui... zzzzzzzzzzzzzzzzzzz.

Jeudi matin, je me suis réveillée dans la peau d'une guerrière. J'allais trouver une solution. Coûte que coûte.

En route vers le champ de bataille : direction la basilique. J'y ai passé la journée. A jouer de l'orgue, à explorer les lieux, à prendre possession mentalement du bâtiment, à en observer les moindre détails, à m'approprier l'esprit du lieu, à me mettre au diapason avec ses murs, à me fondre dans la lumière des vitraux. A réviser ce concerto, à répéter par coeur le moindre solo, lentement, prestement, à le décortiquer, le rejouer encore, jusqu'à le graver dans le granit de la basilique. La guerrière fourbit ses armes, elle veut observer et stratégir. Elle a décidé qu'elle vaincra.

La basilique n'est pas ancienne, elle date du XIXe siècle, et fait un peu penser à la basilique de Montréal. Celle de Montréal comporte un orgue Casavant, qui fut l'élève de Cavaillé-Coll ; celle de Quintin comporte un Claus, qui fut également élève du même facteur. Un peu avant midi, au moment où le jeûne commence à se faire sentir, de guerre lasse je vais m'asseoir tout au fond du choeur, devant le maître-autel et la statue de Notre-Dame de Délivrance. Cela fait trois heures que la guerrière a investi la basilique et toujours pas de solution. Alors mon regard s'est perdu dans la contemplation des gisants de Geoffroy Botherel et celui de Jean II de Bretagne, et je me dis qu'elle est belle ma grande théorie de rédemption par la Beauté si je suis infichue de jouer proprement un "simple" concerto de Handel... Du dehors, mon regard s'est tourné en dedans, et j'ai bien dû rester une demi-heure, trois quarts d'heure en prière et en méditation, jusqu'à sentir en moi sourdre la source qui -j'en suis certaine!- jaillit sous la basilique, et qui, sans que je puisse expliquer comment, m'a apaisée et m'a permis de me lever pour aller déjeuner.

Deux heures sonnent au beffroi, je suis de retour à l'orgue, studieusement. J'entends des pas dans l'étroit escalier de granit : c'est Monsieur le Maire en personne qui, "passant par là", vient me voir avec l'un de ses adjoints. Je le complimente sur l'orgue de Quintin, en assez bon état, malgré qu'il ne serve qu'une fois l'an, en somme, pour le pardon au mois de mai. "D'ailleurs, me dit le Maire, à cette occasion nous sommes obligés d'installer une caméra en circuit fermé afin que l'organiste puisse voir le maître de chapelle, sinon, vous comprenez, il y a un sérieux problème de synchronisation..."

Le voilà le miracle. Et voilà comment jeudi soir nous avons fait un superbe concerto de Handel, dans lequel l'orgue dialogue joyeusement avec l'orchestre et se permet même de jouer à l'unisson avec lui dans les tutti, sans décalage. Un concert d'autant plus réussi que nous avons tellement eu chaud, et lorsque le concerto a été terminé, dans toute la splendeur de l'art handélien, j'ai eu envie de hurler de joie.

Regardez bien au centre de la photo : la fameuse caméra!


Merci à Claude Morin, maire de Quintin, pour son intervention miraculeuse, matérialisée par M. Nédélec (nedeleg, en breton, a la même signification que Nadeau, ou nadau en occitan : nativité), de Plouescat, avec qui j'ai eu le plaisir de parler en breton - un beau breton bien articulé et riche en vocabulaire!- , venu tel un archange salvateur avec sa caméra... pour le plus grand bonheur - et surtout le plus grand soulagement!- du chef et des musiciens. Et puis, que diable, pour une fois on a de l'orgue à la télé!