Claude Nadeau, musique classique - clavecin, orgue... musique baroque

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche



vendredi 17 août 2007

Fêtes d'Arvor à Vannes

Ra vo saveteet ar Rouanez gant Doue! C'est Audrey Le Scouarnec qui vient d'être élue Reine de l'Arvor 2007 à Vannes (au milieu avec le tablier blanc), et j'ai eu le privilège de faire partie du jury qui évaluait les jeunes filles sur trois grands aspects : un jury "patrimoine", dont j'étais membre, qui jugeait la connaissance de la culture bretonne (culture générale, musique et danse, costume et langue), un jury "élégance et maintien" et un jury "authenticité du costume". Audrey porte avec beaucoup d'émotion la robe de mariage de sa propre grand-mère, et danse au sein du cercle du Croisty, en pays Pourlet. C'est la deuxième fois que j'ai le plaisir de faire partie du jury "patrimoine" et cette année, les candidates nous ont étonnés par leur niveau, tant et si bien que je crois que l'an prochain nous devrons être plus exigeants encore, et relever le niveau de nos exigeances afin de les départager!

C'est formidable de voir que onze demoiselles ont prétendu cette année au titre de Reine, pour lequel il ne suffit pas d'avoir une jolie tête mais également de l'avoir bien pleine. Et si pour l'année prochaine, nous demandions à chaque candidate de nous présenter un court exposé, une page disons, sur un sujet culturel de leur choix? Ainsi nous aurions le plaisir non seulement de voir ces somptueux costumes traditionnels, portés avec superbe, mais également d'entendre l'une nous parler des peintres de la côte, l'autre de l'architecture des maisons traditionnelles, ou une autre encore des traditions de mariage dans son propre village... Bref, d'envoyer chacune à la pêche afin qu'elles nous rapportent dans leurs filets de dentelle un élément culturel du pays de Vannes.

A l'occasion des Fêtes d'Arvor, j'ai essayé de lancer une nouvelle mode : se réapproprier certains éléments du costume féminin traditionnel et les intégrer dans une tenue moderne, dans un audacieux mélange de tradition et de modernité, comme les musiciens bretons ont si bien su faire avec leur art. C'est ainsi que j'ai porté la coiffe de l'île de Groix sur une robe qui, si elle est bien en velours noir comme les tenues traditionnelles, n'en est pas moins courte et tout à fait moderne, avec un perfecto en cuir blanc et des bottes montantes de cuir noir (sans oublier les bas résille, évidemment). Dazont ar brezhoneg n'o ket e botoù-koad med e botoù nadoz!

La coiffe et le béguin sont ceux de la mère de Yannig Baron, fondateur des écoles Dihun (langue bretonne au sein de l'enseignement catholique), qu'on voit sur la photo arborant le chapeau de son grand-père. A noter également le modèle réduit d'un thonnier groisillon, posé sur le dessus d'une presse à lin du 17e siècle, un meuble extrêmement rare et sans prix. Pour un Breton, la coiffe de sa mère est souvent le plus précieux des trésors ; porter celle de la mère de Yannick, vénérable militant et légende vivante de la langue bretonne, est donc tout un symbole, mais aussi toute une responsabilité!

Enfin, pour ceux qui se poseraient la question, il y a eu un peu plus de breton cette année à la messe du grand pardon de Notre-Dame d'Arvor à la Cathédrale de Vannes, mais labour 'zo c'hoaz! il reste du boulot, tri mil boulc'hurun! (tonerre de Brest!) Certes on a eu droit à quelques répons (acclamation après l'évangile, refrain de prière universelle...) et même la lecture de l'évangile en breton vannetais à la suite du français, mais de cantique breton comme tel, point. Pire : en chant d'entrée, on a osé composer des paroles en français soi-disant à Notre-Dame d'Arvor sur le cantique "Eürus an hini": on garde donc la très belle mélodie bretonne, c'est déjà cela, mais on enlève les mots savoureux sur lesquels elle a été écrite pour les remplacer par des mièvreries en français à l'eau de rose. Qu'à cela ne tienne! puisque mon rôle de jury me donne accès aux premiers rangs dans la nef de la cathédrale St-Pierre de Vannes, je fais de la résistance et avec toute la puissance de ma voix, j'ai chanté le cantique original sur la poésie en breton pendant que le pauvre chantre ânonnait les paroles en français qui ne vont certainement pas remporter de prix nobel de littérature et qui spirituellement ne veulent rien dire.

Je ne comprends pas, et là c'est l'organiste qui parle, l'organiste qui a dans ses veines le sang de sept générations de musiciens d'église, je ne comprends pas pourquoi on continue d'appauvrir le répertoire de musique sacré catholique sous prétexte d'accessibilité au plus grand nombre. Surtout que cela produit exactement l'effet contraire, il n'y a qu'à voir les églises vides! Après le dernier concile, on a jeté le grégorien avec l'eau du bain "pour faire moderne" alors que rien dans les textes de Vatican II ne nous y obligeait : cette musique qui rythmait les offices depuis plus de mille ans, plongeant ses racines dans le chant ambrosien et le chant byzantin, disparaissait du jour au lendemain pour laisser la place à quelques très jolis chants en langue vernaculaire et beaucoup de musique d'ascenseur. En Bretagne on détient un fonds de cantiques sublime, il y en a des centaines, en pays vannetais, en Finistère, partout -j'ai des bouquins entiers à la maison, un rayon complet de ma bibliothèque!- et le peuple breton qui fut très pratiquant à une époque a mis tout son génie dans cette musique qui revêtait une importance primordiale dans leur société. Voilà qu'aujourd'hui on zappe tout cela, on le balaie du revers de la main, non seulement cela n'existe pas mais ne vous y intéressez surtout pas : cela n'a jamais existé, circulez il n'y a rien à voir, et lorsque je m'en insurge je passe pour une horrible militante arriérée et rétrograde, une communautariste sectaire!

Une Bretonne en coiffe!...

Remarquez on a le même problème en Provence. Régulièrement je participe à des messes en provençal (et costumée en Arlésienne, attention!), et il est difficile, au-delà de la lavande et des cigales, de dépasser le folklorisme aux yeux des gens.

Or l'humain a besoin de sacré. Il a besoin de Beauté. Ce n'est pas parce que les cantiques bretons sont en langue bretonne qu'ils sont beaux : c'est à l'inverse parce qu'ils sont beaux que ceux-là ont réussi à traverser les siècles. Dans quelques centaines d'années, quand on ne parlera plus français en France et que dans le cadre d'une fête traditionnelle on célébrera une messe dans la nouvelle langue vernaculaire, le Globish, les cantiques en français du XXe siècle qu'on chantera peut-être seront ceux qui auront été assez beaux pour traverser l'histoire. Il en va de même avec les cantiques bretons aujourd'hui.

Qu'importe : moi je fais de la résistance, et je chante en breton, like it or not. Au sortir de la cathédrale j'ai lancé sauvagement le début d'un cantique en breton, dans la rue, et les fidèles qui étaient autour de moi se sont empressés de joindre spontanément leurs voix à la mienne, un large sourire sur le visage. Et quand on me demande en quelle langue a été célébrée la messe, je réponds que c'était une messe FLB. Français, Latin, Breton.

lundi 13 août 2007

Musique renaissance aux Nocturnes de Ferrières en Gâtinais (45)

Voir toutes les photos

Très belle fête ce week-end aux 25e "Nocturnes" de Ferrières en Gâtinais, une ville que je connais bien puisque j'ai déjà eu le plaisir de diriger le choeur Chantecléry de Ferrières dans l'oratorio "Le Messie" de Handel, pour quatre concerts en 2003 dont l'un à la superbe Abbatiale de Ferrières.

Mises en scène cette année encore par l'incontournable Jean-Claude Beaudouin, les Nocturnes nous ont permis de faire entendre un répertoire de musique renaissance avec des danseries tirées essentiellement de l'Orchésographie de Thoinot Arbeau.

Ce fut le baptême du feu pour un nouveau collaborateur, le percussionniste Jean-Baptiste Leclère, que vous voyez tout sourire sur les photos dans son beau costume de musicien de cour! C'est toujours un grand bonheur de rencontrer des nouveaux musiciens, surtout quand le courant passe ; lorsqu'un de vos collaborateurs a particulièrement du talent, cela vous pousse à être encore meilleur vous-même...

Ancien élève de Michel Gastaud, avec qui j'ai fait en décembre et en janvier dernier deux concerts clavecin et percussion à l'Opéra National de Paris (et avec qui je l'espère j'en ferai de nombreux autres dans l'avenir...!), Jean-Baptiste Leclère vient tout juste d'entrer à son tour à l'Opéra comme percussionniste. Bravo à lui et bonne chance dans ce nouveau poste! Félicitations également à Michel Gastaud qui vient d'être nommé professeur de percussion au Conservatoire de Saint-Maur : vive les amis et buvons à leur succès! (sacrenom!)

lundi 6 août 2007

Photos du concert de Lalouvesc

"Mais il va venir jusqu'ici, le public?" C'est la question que nous nous posions, alors que nous serpentions dans les cols qui mènent à Lalouvesc, 1100 m d'altitude dans les Cévennes, à 45 minutes de Valence. Une petite ville dotée d'une jolie basilique construite dans la seconde moitié du XIXe siècle, dans laquelle un orgue assez récent nous attendait. Un instrument assez étonnant en véité et un peu hétéroclite, puisque selon ce qu'on m'a expliqué on a récupéré des éléments de trois orgues différents pour en construire un seul. J'ai pu commencer à répéter dessus mardi pour le concert de jeudi, et tout naturellement j'ai proposé d'accompagner les messes de semaine tous les jours de ma présence à Lalouvesc, ce qui m'a permis de me familiariser avec l'instrument. Lalouvesc, près de 500 habitants de nos jours, fut un très grand centre de pèlerinage puisque c'est en cet endroit que mourut saint Jean-François Régis. Encore aujourd'hui, la présence des pères Jésuites et des religieuses du Cénacle est très affirmée.

Eh bien le public est venu, et la basilique était presque comble pour le concert du 26 juillet, qui ouvrait le festival "Promenades musicales à Lalouvesc". Le public enthousiaste nous a même gratifiés d'une ovation debout après le concert! Quel bonheur, d'autant plus que nous avons pris réellement un grand plaisir à faire ce concert, qui comportait, en ce qui me concerne, le concerto pour orgue en si bémol majeur op. 4 n° 7 de Handel (le même que j'ai joué à Quintin) ainsi que le Stabat Mater de Pergolèse (solistes : Lys Nordet et Jean-Pierre Tazé), dans lequel j'ai fait le continuo d'orgue.

L'orgue est situé dans la nef, à hauteur même du sol, ce qui a permis à l'orchestre de venir se placer tout autour de l'instrument. Un orgue avec de très jolies sonorités (et notamment de belles mixtures!), très lumineuses, et parfaitement appropriées pour Handel!

samedi 4 août 2007

Quand c'est chaud, c'est cru

L'été autant que possible je mange cru : d'abord parce que j'aime la fraîcheur des aliments encore vivants (parce que non cuits) mais également parce que c'est l'occasion de se faire des grandes assiettes gourmandes sans passer par la case cuisson. Voici l'une de mes recettes préférées : le tartare d'huîtres, que je dois à l'incomparable Jacques Le Divellec. Comme en cette saison elles sont laiteuses, c'est la préparation idéale pour en manger quand même :

Pour 4 personnes:

- 2 douzaines d'huîtres
- 250 de filet de mulet (sans la peau) ou tout autre poisson blanc avec peu de goût
- 500 g de pourpier ou de mâche
- 1 cuill. à soupe de jus de citron
- 1 échalote finement hachée
- 1 cuill. à soupe de ciboulette ciselée
- 1/2 cuill. à soupe d'huile d'olive
- sel de Guérande - poivre

Ouvrir les huîtres et les détacher de la coquille. Les éponger délicatement et les réserver. Rincer le filet de mulet, le sécher, mettre au frigo.

Verser le jus de citron et l'huile d'olive dans un saladier. J'ajoute toujours un peu d'huile de cameline (dans les magasins bio) à mes vinaigrettes, pour ses hautes propriétés nutritionnelles (oméga3, etc). Ajouter la ciboulette, l'échalotte, sel, poivre, émulsionner.

Sortir le filet de poisson du réfrigérateur et, sur une planche parfaitement propre, le tailler en tout petits dés, à l'aide d'un couteau bien aiguisé. Surtout ne pas utiliser de mixeur! De la même façon, émincer les huîtres, dont on aura retiré la poche laiteuse si on n'est pas dans un mois en "R"!

Versez la chair de mulet et d'huître dans le saladier, mélanger délicatement avec la vinaigrette, rectifier l'assaisonnement. Placer au réfrigérateur au moins une heure avant de servir, sur un lit de pourpier ou de mâche.

Pour impressionnant qu'il soit lorsqu'il est réalisé avec des huîtres, ce tartare peut être préparé avec n'importe quelle sorte de poisson : le saumon et le thon sont de grands classiques, qui feront le bonheur de tous sur vos tables d'été. D'autant plus que, préparé à l'avance, il n'en est que meilleur... On peut varier les assaisonnements de la vinaigrette, ajouter du gingembre frais, remplacer la ciboulette par du cerfeuil, le poivre par du piment d'Espelette... variations sur un thème!

De fil en aiguille, j'en profite pour vous inviter à écouter la chanson "Poisson cru" de l'excellent groupe québécois Karkwâ, avec qui j'ai fait connaissance en mai dernier lors d'une soirée organisée à la résidence du Délégué général du Québec, M. Wilfrid-Guy Licari, pour souligner la présence culturelle québécoise en France. De passage à Paris pour quelques concerts, trois des membres de Karkwâ nous ont fait vivre un moment rare ce soir-là en nous interprétant, en acoustique et dans une ambiance plus qu'intime, la chanson "Coup d'état". Coup de foudre pour ce groupe, que le qualifierais de post-JeanLeloup'iste (les fans de Jean Leloup apprécieront!), et dont les deux albums, "Le pensionnat des établis" et "Nos tremblements s'immobilisent", valent franchement le détour.

écoutez bien les paroles de la chanson "Poisson cru", qui contient un texte imagé sur les artistes jetables et interchangeables.

Incroyable soirée chez le Délégué du Québec d'ailleurs, puisque c'était la fameuse soirée du débat télévisé Nico-Ségo, que nous avons donc regardé "entre Québécois" dans le salon du Délégué (qui a à Paris le statut d' "ambassadeur du Québec", depuis que De Gaulle a accordé à notre peuple les privilèges diplomatiques en France). Je vous laisse imaginer l'ambiance après le dîner, tout le monde devant la télévision, avec M. le Délégué général assis sans façons par terre (on manque de chaises...) et certains des plus éminents représentants de la culture québécoise en France (Fabienne Thibault, Claude Beausoleil...) qui échangent commentaires et impressions avec la même verve qu'on discuterait la stratégie de chaque équipe devant une partie de hockey! On compte les points à gauche et à droite, je remarque une sympathie naturelle des Québécois pour Ségolène, sans doute parce qu'en tant que présidente de la Région Poitou-Charentes elle a eu l'occasion d'avoir de nombreux contacts avec le Québec. Maintenant que Sarko a été élu, quels seront ses relations avec le Québec?

On peut se poser la question, surtout qu'il passe ses vacances à Wolfeboro, dans le New-Hampshire au bord du lac Winnipesaukee, une ville qui porte le nom du général Wolfe, chef du corps expéditionnaire britannique qui en 1759 a vaincu Montcalm et a réussi à s'emparer de Québec, une victoire qui a marqué la fin du régime français au Canada... (et le début des ennuis pour les Canadiens français...) Un choix de vacances d'une diplomatie rare dans le cadre des relations France-Québec, et que les Québécois apprécieront! en savoir plus