Le Peuple breton : Une journée avec Claude Nadeau, ça commence comment ?
Claude Nadeau : Une journée avec Claude Nadeau commence comme un défi, le défi de transmettre au public l’amour que je porte pour la musique classique... Musicienne, c’est ce que j’ai toujours voulu faire ! Si j’ai réussi, c’est grâce à mon caractère de battante – War-raok ! [en avant!] – sans lequel je ne serais jamais arrivée à mon niveau de pratique instrumentale. Je n’ai jamais baissé les bras. Un défi, parce que ce n’est pas simple aujourd’hui de vivre de sa passion... Qui plus est, avec la concurrence des télé-réalités ! Je fais de la musique classique, et je veux continuer à en faire et à en vivre... Parce que la musique classique, c’est tout simplement beau ! De nos jours, malheureusement, la musique est sans cesse confrontée à une logique de rentabilité.

Le PB : Qui est ton public ?
Claude Nadeau : Ma spécialité étant la musique classique, il m’est arrivé de jouer à l’opéra de Paris, au Bataclan et sur des scènes en Bretagne. Je joue aussi lors de réceptions... Dans des festoù-noz et festoù-deiz également. Et à la Mission bretonne à Paris, evel just [bien sûr] !

Le PB : L’orgue, une histoire de famille ?
Claude Nadeau : Oui, l’orgue est un instrument que nous nous transmettons comme un flambeau depuis quelques générations dans la famille... Petite, je jouais déjà de l’orgue à la chapelle de Notre-Dame-de-Bon-Secours, de Montréal. L’orgue est vraiment un instrument que j’aime. Lorsque j’entre dans une église, une cathédrale et même une basilique, je ne peux pas m’en empêcher, il faut que j’aille à la rencontre de l’organiste... Il faut que j’entre en contact avec l’instrument. J’ai déjà joué de l’orgue en Bretagne, notamment celui de la basilique de Quintin, il est classé monument historique. Je me rappelle aussi avoir vu celui de Notre-Dame-de-Bon-Secours à Guingamp…

Le PB : Peux-tu nous dire un mot sur tes origines ?
Claude Nadeau : Je viens de « Menez- Real » ! C’est ce que je m’amuse à dire lorsque je parle avec des bretonnants ; c’est assez amusant, ils cherchent où peut bien se trouver ar barrez Menez-Real, mais en vain ! Je suis effectivement québécoise et je viens d’obtenir, il y a seulement quelques jours, la nationalité française après avoir reçu bien avant la citoyenneté bretonne pour « service rendu à la patrie »... Oui, je viens du Québec, j’y suis née il y a maintenant 32 ans. C’est de ça qu’est née ma conscience militante : mon père militait au Parti québécois... Il m’a transmis le goût de m’impliquer et c’est sans doute la source de mes nombreux engagements d’aujourd’hui.

Le PB : Claude, tu parles breton... Comment en es-tu arrivée à la Bretagne et de l’art à la Bretagne ?
Claude Nadeau : J’ai connu la Bretagne après mon arrivée en France en 1998. J’avais alors 22 ans et je débarquais en terre inconnue pour étudier mon autre instrument : le clavecin. La Bretagne, je l’ai connue par hasard et à Paris... Je souhaitais tout simplement rencontrer du monde sur place et je me suis investie dans des associations. J’ai distribué des repas aux Restos du Coeur. Et la culture bretonne, je suis tombée dedans comme Obélix est tombé dans sa marmite. Je suis entrée en contact avec la Mission bretonne et je m’y suis impliquée par la suite...

Le PB : Et ensuite, Diwan Paris !
Claude Nadeau : Oui, l’histoire débute en 2004, avec notamment Jean- Yves Le Bras... Il avait déjà l’expérience d’une école Diwan à Guingamp. Il occupe actuellement le poste de trésorier de l’école... Aujourd’hui, l’école tient le coup, mais cela ne veut pas dire que tout est acquis et que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il y a des locaux à payer et l’école a vocation, comme toute école victime de son succès, à s’agrandir. La création de postes supplémentaires, le renouvellement du matériel pédagogique nécessitent un budget, des finances saines et surtout des reins solides... Heureusement, nous les avons ! Le combat est loin d’être terminé : l’école a encore besoin de dons, de soutiens politiques et moraux, y compris en Bretagne. Quand l’école a été fondée en 2004, nous avons mobilisé une association de soutien solide et suscité l’attention des médias : les journaux télévisés notamment... On est même passés chez PPDA !

Le PB : On peut imaginer des coups durs de temps en temps ?
Claude Nadeau : Tout le monde se souviendra de cette rentrée où, à quelques jours seulement de la reprise de la classe, l’école a enfin trouvé des locaux après avoir remué ciel et terre pour ses petits protégés bretonnants... Je n’y croyais pas ! L’école Diwan de Paris est un symbole pour la langue bretonne, pour la Bretagne et pour le million de Bretons qui vivent à Paris.

Le PB : Et à quand un disque de Claude Nadeau ?
Claude Nadeau : Si je dois faire un disque, ce sera une grande oeuvre de musique classique qui sera l’aboutissement d’une recherche et d’une pratique musicale au travers de la musique médiévale, baroque, de la musique traditionnelle bretonne... Je pourrais faire des autoproductions, mais je souhaite vraiment faire le meilleur album, avec le meilleur directeur artistique et la meilleure maison de disques ! Tu sais pourquoi ? Parce qu’en musique classique c’est comme avec la langue bretonne, on se doit d’être la meilleure, ce que l’on fait se doit d’être parfait ! On doit être irréprochable pour que la musique soit belle et parce que jouer de la musique classique, c’est comme parler breton, c’est beau ! On doit à tout prix donner une image positive...

Après, il faut avoir du temps. Pour l’instant, je suis mon propre agent et il me faudrait plus que 24 heures dans la journée. Il me faudrait également un label. Or, à ce jour, aucun label breton ne s’est intéressé à mon projet de musique classique de compositeurs baroques bretons. Personne…

Le PB : Ton engagement militant est uniquement pour la musique classique et la culture bretonne ?
Claude Nadeau : Non, je suis aussi féministe... De nos jours encore, la femme et l’homme ne sont pas sur un pied d’égalité... Par exemple la France est le seul pays qui parle encore de droits de l’homme, on dit ailleurs : Los derechos humanos, Human Rights, etc. Nous devrions parler de droits de la personne, et c’est ce qui est dit dans d’autre pays francophones. Alors, comme on m’a donné la nationalité française, je veux maintenant m’impliquer pour faire bouger les choses à ce sujet notamment.

Le PB : Impossible de réaliser cette interview sans parler de ta promotion en tant qu’artiste en résidence à Vannes ?
Claude Nadeau : Je viens d’être nommée, pour deux ans, artiste en résidence dans la ville de Vannes. Une pratique peu courante, d’habitude ce sont des troupes qui vont en résidence ; il faut dire que je suis une troupe à moi toute seule ! Je m’y installe peu à peu, doucement mais sûrement... Je prends le temps de trouver mes points de repère dans la ville, auprès des diverses associations culturelles. J’espère pouvoir transmettre, notamment aux jeunes bretonnants des écoles bilingues, et m’impliquer dans le milieu artistique vannetais... C’est une mission de trois ans que j’entends remplir, en toute liberté, en collaboration avec le maximum de partenaires locaux... Ils sont même en train de faire construire un clavecin, je vais bientôt avoir tous les outils pour bien travailler !

L’entrevue se termine, nos chemins se séparent, Claude s’en va sur Ploemeur pour l’enregistrement de la remise des Prizioù 2009. « Les 7 d’or de la langue bretonne », ironise-t-elle... Qui sait ? L’année prochaine, Claude Nadeau sera peut-être la première Québécoise à être nommée pour les Prizioù 2009 ?

par Gwendal Rioual