"Baroque'n'roll"

Claude Nadeau, 32 ans, toutes ses dents.. mais peut-être pas toute sa tête. Certains pourraient le penser. Cette claveciniste de renommée internationale dépote, défrise, déride, voire même dérange selon les goûts et les couleurs. Elle ne passe jamais inaperçue. Comme lors des dernières Fêtes d'Arvor vannetaises. Armée d'un style vestimentaire bigarré, "la Nadeau" débarque à la cathédrale pour la traditionnelle messe en breton. Des yeux se tournent à son passage, parfois choqués. L'artiste est revêtue d'une coiffe bretonne de l'ile de Groix, d'un Perfecto cuir blanc, d'une jupe courte fendue et de bottes montantes noires (sans omettre les bas résille). [note aux lecteurs du blog : la photo est ici] Sacré mélange, remarqué par un maire vannetais amusé. Francois Goulard lui chuchote alors � C'est toujours par vous que le scandale arrive... � R�ponse de la berg�re au berger : � Oui, mais c'est pour �a que vous m'aimez. �

Un peu barr�e
Janvier 2008. Claude Nadeau, n�e en Gasp�sie, d�pose ses valises � Vannes pour trois ans. La cit� des V�n�tes accueille la musicienne en r�sidence d'artistes. Cette jeune Qu�becoise a carte blanche pour remuer le microcosme culturel vannetais. Ainsi mardi 17, le respectable conservatoire accueille Mary Poppins. Mais une Mary Poppins nouvelle g�n�ration, un peu barr�e, tendance musique baroque, ascendant rock star. Le regard surlign� d'un �l�gant petit chapeau brun, un sourire malin aux l�vres, Claude Nadeau a h�te de triturer la culture vannetaise et de mettre les mains dans le cambouis. Son clavecin n'a pourtant pas encore d�barqu�. Le trac, lui, si. Pour elle, c'est bon signe. � C'est comme quand on est nerveux � un premier rendez-vous amoureux. On sait que c'est important. � Tout de m�me. A premi�re vue, la mission s'av�re d�licate : amener le maximum de gens, m�lomanes convaincus ou non, � s'interesser � sa musique baroque et � son clavecin. En battant des mains, l'artiste repousse cette difficult�. Le clavecin est un instrument comme un autre, aime-t-elle r�p�ter. On ne r�serve pas son usage qu'au baroque. Sur les touches de son � arme � �motion �, Claude Nadeau n'h�site pas � jouer un bon vieux Take five. � Je joue Hendrix aussi ! � Joyeusement, elle mime un solo d�chain�. Ses doigts virevoltent dans l'air. � �a le fait � mort ! � Cette approche musicale risque de d�frayer la chronique. La Qu�becoise en a conscience. C'est s�r, cela s'�loigne d'une vision � bien pensante � de la musique classique. � J'en n'ai rien � foutre. � S'il faut passer par des chemins d�tourn�s pour s�duire un nouveau public, elle le fera. Sans h�siter. D'ailleurs, cela ne sera pas la premi�re fois.

Tout go�ter
La confrontation sans a priori, la brune conna�t. En novembre 2005, alors que les �meutes font rage dans les quartiers parisiens, la musicienne donne un concert gratuit dans une banlieue du � 9-3 �. Le son du clavecin attise la curiosit� des jeunes du coin. � En capuche et tout, des "crapauds", comme dit la police. � L'artiste ne fait pas semblant, joue des morceaux � normaux �, tir�s d'un r�pertoire baroque pur jus. � On leur a present� ce qui nous fait "kiffer". Ils ont trouv� �a cool. On a m�me bu le th� ensemble. Pendant ce temps-l�, ils ne cramaient pas les bagnoles. Cela m'a fait r�fl�chir � L'envie d'�tonner, voire de choquer, menerait elle la danse dans la carri�re de la � baroqueuse �? Non. Claude Nadeau insiste. Elle qui fut soliste � l'Op�ra de Paris ne cherche pas � surprendre pour surprendre. Toutes ses d�marches sont plus � mettre sur le compte de la gourrnandise. Elle aime tout go�ter. Et les choix auxquels l'am�ne cette sensibilit� ne manquent pas de surprendre. Le monde de la musique n'est pas le seul dans lequel le nom de Claude Nadeau r�sonne. Celui-ci retentit aussi aux oreilles des amoureux de la culture bretonne. Et pour cause! La claveciniste est l'une des instigatrices principales de la cr�ation de l'�cole Diwan, � Paris, en 2004. Une date que les militants bretonnants marquent d'une pierre blanche hermine.

Comment une Qu�becoise peut-elle se retrouver � la t�te de Diwan Paris ? Facile, semble r�pondre sa nonchalance. � Quand j'ai d�barqu� � Paris, je ne connaissais personne. J'ai fr�quent� un peu de monde, dont le cercle breton. Je m'y suis attach�e. Il y a vraiment un c�t� "village d'Ast�rix" chez eux. Du genre : "On a une langue, de la musique, de la culture et on vous emmerde." Tomb�e amoureuse de la � breizh attitude �, Claude Nadeau apprend le breton en cours du soir, � pour commencer �. C'est la septi�me langue qu'elle pratique. Gourmande.

N�anmoins, ce go�t de la diversit� peut �galement lui jouer de vilains tours. Sa carri�re conna�t un bon revers lorsqu'un poste de chef de ch�ur lui passe sous le nez en raison de son �tiquette � culture bretonne �. � Mais mon engagement breton m'a beaucoup apport� au niveau personnel. � Breton, davecin ? M�me combat ? Sans doute, si l'on en croit l'�tonnante musicienne. Pour elle, les deux poss�dent des points communs. Ils sont fragiles et rares. Il ne faut pas les laisser tomber mais les alder � retrouver leur authenticit�. Dans le parcours atypique que forme la carri�re de Claude Nadeau, la recherche de l'authentique appara�t alors comme un fil rouge. Pas un � authentique � traditionnel et vieillissant, mais plut�t vivant et plein de saveurs. � Un peu � la mani�re des pommes bio. Elles sont plus petites, se conservent moins longtemps, mais ont infiniment plus de go�t. Le clavecin, c'est pareil. �a bouge, �a evolue, c'est organique. � Un peu excentrique, quoique coh�rente jusqu'au bout des ongles, elle �voque alors ses concerts avec passion. � Moi aussi, je donne des concerts bio. Quand je joue, je cherche l'hyper sinc�rit�. Je d�balle mes tripes sur la table. � La formule aurait encore de quoi choquer les plus prudes. Un leger haussement d'�paules, un rire sibyllin. � Ceux que l'on voit, ce sont les gens qui sortent la t�te de l'eau. Dans l'arm�e, quels hommes deviennent des officiers ? Les t�tes brul�es. �

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