Claude Nadeau, musique classique - clavecin, orgue... musique baroque

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vendredi 6 août 2010

Récital

C'est tellement dur préparer un récital.

Peut-être que certaines personnes tirerent un grand orgueil à pouvoir dire "mmmm'ouaiseuuuuh... moi je fais un récital en sooooloooo euh... je suis un grand sooooliste" mais franchement je trouve que préparer un récital est un travail de dingue.

C'est un vrai marathon, qui exige une grande forme physique : faire le show tout seul, tenir 1h20 seul sur scène, sans jamais pouvoir se cacher derrière les autres, surexposé, en ne pouvant compter que sur soi-même, c'est incroyablement difficile.

Passer successivement d'une émotion extrême à une autre émotion extrême, rire, pleurer, s'exposer, offrir son coeur, ses tripes, son savoir-faire et sa technique tout seul sur scène devant un public est un effort surhumain.

Sans compter tous les à-côtés, préparer le programme qui sera remis au public, réfléchir à comment on va s'habiller (en accord avec le caractère des morceaux qu'on joue, bien sûr), préparer ce qu'on va dire au public pour présenter ses piéces, c'est du boulot. Transporter le clavecin, veiller à ce qu'il arrive en un seul morceau, s'assurer que le lieu du concert soit disposé à le réceptionner, courir autour de l'église pour trouver le sacristain qui détient la clé, et qui croyait qu'on arrivait à une autre heure, poser le clavecin, l'accorder...

Se recueillir dans sa loge, tout seul, se maquiller devant son miroir en chantonnant les notes du premier morceau (ne pas oublier le doigté qu'on vient de changer en haut de la page 4, ne pas rater le tremblement lié dans l'allemande), stresser parce qu'on sait le compositeur dans la salle, ou tel programmateur de festival, essayer de se concentrer pendant que le public s'adonne à des mondanités, flipper tout seul dans la sacristie quand l'organisateur vient vous dire qu'on va commencer dans 5 minutes et garder son calme pendant le "mot du maire"...

Y aller. Entrer en scène. Paraître calme et sûre de soi. Sourire. Ne pas se prendre les pieds dans le bas de sa robe longue. Sourire. Saluer. Papillons. On respire, on se jette à l'eau, point de non-retour.

Parfois je me dis que c'est surhumain comme effort. C'est l'effort d'un sportif de haut niveau, d'un athlète professionnel qui travaille sur la discipline, sur l'entraînement intensif, le mental, la visualisation de sa performance. C'est une vocation. Mais je ne sais rien faire d'autre.

mercredi 10 septembre 2008

Dopage : la claveciniste la plus givrée du moment est sur France Musique

On m'a sollicitée pour intervenir à l'antenne de France Musique sur un sujet peu commun et un tantinet provocateur : le dopage dans la musique classique. Sujet d'actualité cet été avec le Tour de France et les Jeux Olympiques, le "dopage" est-il l'apanage des sportifs? Est-ce qu'il y a du dopage en musique classique? J'avais déjà rédigé l'été dernier un billet sur mon blog à ce sujet...

C'est aussi l'occasion de parler du métier de musicien classique, un métier qui finalement présente plusieurs points communs avec celui de sportif professionnel. Je ferai donc une petite intervention (3 min) vendredi 12 septembre entre 18h et 19h30 dans l'émission Le Magazine de France Musique, animée par Lionel Esparza, avec la collaboration d'Emilie Munera (photo), diffusée en direct de La Roche-Posay. Où que vous soyez autour du monde, vous pouvez aussi l'écouter en direct et jusqu'à cinq jours après sa diffusion sur le site internet de Radio France

Les auditeurs de cette émission découvriront peut-être enfin le secret de mon énergie... ou la recette de la potion magique? ;-)

jeudi 15 novembre 2007

Un nouveau forum pour la musique ancienne

Des claviers du clavecin au clavier de l'ordinateur, un lieu d'échange pour ceux qui aiment la musique ancienne et classique, ainsi que pour ceux qui la pratiquent, dans un esprit de discussion ouverte, d'entraide et de solidarité: http://musiqueancienne.leforum.eu

Vous pouvez y annoncer gratuitement vos concerts, vos CD et autres publications, placer vos petites annonces, demander une partition introuvable, partager vos bons plans, discuter du métier de musicien, et bien sûr de tout autre sujet dédié à la musique ancienne!

J'espère que ce forum, créé dans un esprit participatif, pourra constituer un outil et un lien de plus entre tous ceux qui aiment la musique ancienne.

samedi 8 septembre 2007

Oui, Pavarotti méritait des funérailles nationales

Un article du quotidien 20 minutes sur les obsèques de Pavarotti nous décrit la célébration comme "digne de funérailles nationales" : présence de chef d'Etat, ballet aérien des avions de l'armée qui ont dessiné les couleurs de l'Italie... Déjà j'en entends penser : n'est-ce pas un peu trop pour un chanteur? Et surtout un chanteur lyrique qui s'est invité dans le star-système et qui a flirté avec la pop, siffleront certains...

"Quand Mozart est venu au monde, c'est au monde entier qu'il est venu", écrivait Sacha Guitry entre deux propos misogynes. Combien de personnes n'auraient jamais écouté d'opéra si Pavarotti n'était pas venu vers eux avec ses "amis", que ce soit les "trois ténors" ou les chanteurs de variété avec qui il a osé construire des ponts musicaux? C'est au monde entier que Pavarotti a donné sa voix, ce sont des millions de personnes qui ont ressenti une émotion en l'écoutant, un jour ou l'autre. Et parmi celles-là, la plupart d'entre elles n'avaient jamais mis les pieds dans un opéra.

Qui se souvient du nom des ministres des finances de l'Autriche ou même de l'empereur à l'époque de Mozart? Qui peut nommer l'un des présidents de l'Italie à l'époque de Caruso? Se souviendrait-on autant des Borgia ou de François 1er s'ils n'avaient pas été de grands mécènes qui ont vécu entourés d'artistes? Qu'est-ce que la politique ou la finance comparées à la musique?

Nous devrions être les héros de cette société. Nous, musiciens. Nous, artistes. Chaque jour nous polissons notre art, consciencieusement et sans relâche, pour donner au public un instant d'émotion, un instant de beauté, un instant d'amour, les seules choses qui restent quand on fait le compte de sa vie.

Nous travaillons comme des dingues pour préparer des concerts que nous offrons dans les églises et où le public, qui s'étonne que le concert ne soit pas gratuit, laisse une aumône de pièces jaunes dans le panier à la sortie. Un musicien classique a autant d'années d'études derrière lui qu'un chirurgien cardiaque ; et pourtant il faut nous battre avec les organisateurs de spectacles, les mairies, les centres culturels, pour décrocher un cachet de 150€ pour un concert qui nous a coûté 45h de répétitions (non rémunérées bien sûr), et encore c'est un bon cachet, qu'on négocie à coup de 10€ comme des marchands de tapis. Parfois l'employeur ne veut même pas déclarer, et alors il faut se battre pour avoir une fiche de paie, courir après les attestations Assédic.

Je ne me plains pas, ce métier de musicien je l'ai choisi et j'en suis fière. Je relève au quotidien le défi de vivre d'un instrument aussi improbable que le clavecin, et pour une intermittente du spectacle, je m'en sors plutôt bien! Mais je m'étonne à chaque fois de constater le peu de valorisation de notre métier par la société actuelle, le faible revenu qu'il génère si l'on prend en compte le niveau d'études et le temps consacré au travail (hormis quelques stars, mais en musique classique elles ne sont pas nombreuses), et l'antipathie quasi générale pour les intermittents du spectacle, dont on s'apprête encore à durcir le régime.

Moi je m'en sors bien, mais combien d'amis autour de moi, musiciens, danseurs, comédiens de talent, ont été éjectés du système parce que ce qu'ils faisaient n'est pas assez lucratif. La source s'est tarie, maintenant ils exercent un autre métier pour gagner leur vie, et ne peuvent plus consacrer 40, 50 ou 60h par semaine à préparer leurs spectacles. C'est fini, leur talent n'irriguera plus notre société qui a tant besoin de rire, de s'émouvoir, de chanter, de s'extasier, de jouir, de vibrer. C'est ce métier que je défends, le beau, grand et noble métier de saltimbanque, un terme méprisable pour certains mais qui sonne chez moi comme un mot d'amour.

Cela dit, heureusement certaines structures valorisent encore le rôle de l'artiste : on vient de m'annoncer sous couvert du secret une grande nouvelle qui ne manquera pas de faire du bruit, il y a une nomination dans l'air et elle me concerne! Mais j'ai promis de ne pas en parler jusqu'à la conférence de presse... restez branchés, vous serez les premiers informés!

dimanche 29 juillet 2007

Le dopage et la musique

Je retrouve enfin mon lit et ma machine à expresso après deux semaines de vagabondage sur les routes de France et de Navarre (3700 km parcourus ces quinze derniers jours...) : il est vrai que si la belle saison des concerts et des festivals est stimulante, force est d'avouer que c'est extrêmement dur physiquement.

Tour de France oblige, le sujet du dopage rôdait autour de la table jeudi soir après le concert à Lalouvesc (dont je vous donnerai des photos très bientôt). Et particulièrement au sujet des musiciens : y a-t-il du dopage chez les musiciens classiques?

La question n'est pas anodine, et sitôt le sujet lancé chacun avait son mot à dire: nous avons tous nos substances, licites ou illicites, pour nous faire tenir le coup. Mais à partir de quel moment peut-on parler de dopage? Petit inventaire d'un sujet politiquement incorrect.

Personnellement, j'use et j'abuse de la vitamine C, un grand classique, et pas un matin sans la multivitamine la plus complète possible, qui compense une alimentation trop aléatoire. Je dors beaucoup, enfin quand je ne finis pas de jouer à 2h du matin, j'essaie de manger des produits frais, bio et le plus souvent cru. Jusqu'ici ce n'est pas réellement du dopage, me direz-vous! Du côté des chanteurs, ils ont toujours sur eux soit des gouttes de Fleurs du Dr Bach, soit des préparations de phytothérapie (échinacée, mélaleuca...). Mais j'ai aussi entendu parler de chanteurs qui utilisaient de l'éther pour s'éclaircir la voix (avec des conséquences irréversibles à la longue, évidemment), mais cette pratique est rare.

En revanche les chanteurs ont presque toujours sur eux de la cortisone, qui permet d'enchaîner les répétitions et les concerts à un rythme que le corps refuserait normalement. Les violonistes et autres instrumentistes sujets aux tendinites n'hésitent pas eux aussi à recourir à la cortisone, avec la complicité d'un médecin bienveillant, pour endormir la douleur d'un bras ou d'une articulation qui a trop travaillé avant un concert important. J'avoue qu'il m'est déjà arrivé de chanter avec une bronchite sévère et 40 degrés de fièvre, pour un festival de cinéma à Husum en Allemagne : mon médecin m'avait prescrit un traitement de cheval afin de pouvoir assurer quand même ma prestation. J'ai bel et bien assuré, mais j'étais carrément dans un état second! Je n'aime pas prendre des médicaments très forts, mais que faire quand on a un concert important à assumer?

Si parfois on combat le trac avec des granules homéopathiques (Argentum nitricum, Gelsenium...) ou un apport de magnésium, d'autres se penchent sur la bouteille, c'est bien connu... On m'a dit que chez les instrumentistes à vent, on se sert énormément de bêta-bloquants afin que le stress ne vienne pas rendre le souffle court, que ce soit pour des concerts importants, des auditions ou des concours. Tout cela s'obtient relativement facilement sur ordonnance. Et puis il y a des musiciens qui ont recours à la cocaïne (c'est plus courant qu'on ne le croit dans notre métier, comme dans la plupart des métiers à stress), voire à l'héroïne. Pour certains danseurs classiques, comme pour beaucoup de mannequins d'ailleurs, ce sont souvent les amphétamines qui agissent comme coupe-faim et permettent de garder la silhouette (quelle société de dingues quand même), en plus bien sûr de la cigarette.

Dans tous les métiers finalement il y a des problèmes de dopage, et les entreprises elles non plus n'y échappent pas. Le métier de musicien n'est certainement pas plus facile qu'un autre, il est même probablement plus difficile, et il est très proche du métier de sportif professionnel : la part de stress, la préparation, la compétition (il faut bien le dire), l'exigeance, la discipline. On me demande souvent "Où puisez-vous toute cette énergie?..." ; hormis mon entraînement purement musical, et tout le côté platement administratif de mon métier, je m'entraîne entre 5 à 8h par semaine dans une salle de sports : j'ai beau rien que remuer mes petits doigts sur un clavier, il faut être sacrément en forme pour exercer le métier de musicien !

N'allez pas croire que nous sommes tous des dopés, j'aborde ce sujet délicat sur mon blog uniquement pour susciter la réflexion et les commentaires des blogueurs : jusqu'où peut-on aller?

De la simple vitamine C aux drogues dures, il n'y a finalement à mon avis que deux substances, rien que deux, qui dopent vraiment et véritablement les musiciens, et qui nous propulsent sans cesse vers l'avant : c'est l'adrénaline, avant de monter sur scène, et la dopamine, sous les applaudissements du public. Rien que pour ça, on irait au bout du monde.

mardi 24 juillet 2007

Sous vos applaudissements mesdames et messieurs

Dimanche soir j'ai assisté à un très beau concert ; ça faisait longtemps que je n'avais pas assisté à un concert "côté public"!

Or j'ai observé que la personne qui était assise à côté de moi, bien qu'appréciant manifestement la soirée, n'applaudissait pas. Avez-vous remarqué que certaines personnes, au concert, n'applaudissent jamais?

De quoi un musicien a-t-il besoin? Il a besoin qu'on l'aime. Et comment le public manifeste-t-il qu'il aime ? en applaudissant. Si personne n'applaudit, le flux d'énergie est rompu avec l'artiste et il n'a plus qu'à rentrer chez-lui. Si la salle applaudit à tout rompre, l'artiste est électrisé : les applaudissements sont le salaire du musicien !

(pourquoi sinon croyez-vous qu'on exercerait un métier aussi mal payé?) ;-)