Pourquoi Bach et Handel ont-ils réécrit deux, trois fois parfois les mêmes oeuvres? Je veux dire : pourquoi retrouve-t-on certains thèmes écrits d'abord pour orgue déclinés ensuite pour choeur dans une cantate (Jesu bleibet meine Freude...) ou certains concertos originellement composés pour deux clavecins transposés ensuite pour violon et hautbois?

Parce qu'à l'époque il n'y avait pas de disques.

Et que le seul moyen de réécouter une oeuvre, sans disque ni radio, était de la rejouer ; et tant qu'à la rejouer, autant varier les plaisirs et réemployer à bon escient un thème qui a été apprécié par le public.

Je me souviens lorsque j'étais ado d'un concert qui avait été diffusé dans l'émission Radio-Canadienne "Les beaux dimanches" : un programme tout Mozart avec l'orchestre de chambre I Musici de Montréal. Je l'avais enregistré sur une cassette VHS (tout d'un coup je me sens vieille...) et je l'ai tellement réécouté que je me souviens du programme exact : il y avait l'ouverture de la Flûte enchantée, la Symphonie concertante, un mouvement du concerto pour deux pianos, et le motet Exultate Jubilate. L'équipe technique qui avait réalisé cette émission, avec les moyens des années 80, sait-elle qu'en réalisant un tel programme elle a contribué à susciter des vocations?

Il n'y a pas beaucoup de musique classique à la télé, hélas, sauf le soir très tard ou sur des chaînes spécialisées. Heureusement celles-ci existent, et on peut espérer qu'au hasard du zapping certains se laisseront séduire par une phrase tombée juste au bon moment.

La chaîne Mezzo diffuse justement ce soir la première d'une série de soirées en direct des plus célèbres scènes mondiales : ce soir, lever de rideau à la Scala de Milan à 20h avec Daniel Barenboim qui dirigera en direct l'Or du Rhin de Wagner. Une chaîne qui diffuse à 100% HD! Le concert comme si vous n'y étiez pas, car même en admettant que ayez acheté une place à la Scala, vous n'auriez as pu saisir le délicatesse du geste de chaque musicien ni voir vibrer la peau des timbales, et puis de toute façon le chef vous tourne le dos, alors... ;-)

Le concert mieux que nature, y a-t-il de quoi faire peur au musicien?

Une vraie question, car désormais on ne peut plus se contenter de bien jouer, il faut en plus être beau de près, de loin, en travelling et en contre-plongée. Choisira-t-on bientôt le casting d'un opéra non plus seulement en fonction des voix mais aussi de la joliesse des minois des chanteuses? (d'aucuns opposeront que c'est déjà le cas depuis toujours...!) Et j'en vois déjà dans les rangs de mon syndicat de musiciens qui craindront de possibles glissements, et s'inquiéteront -à juste titre sans doute- de la juste rémunération des musiciens dans le merveilleux monde de l'audiovsuel...

L'audiovisuel est-il l'ennemi du spectacle vivant?

Je veux croire que non, et même que le phénomène "vu à la télé" puisse contribuer à remplir les salles de spectacle. Je fais le pari que le téléspectateur est assez intelligent (si, si...) pour comprendre qu'un concert à la télé c'est formidable, mais que rien ne remplace l'expérience unique de vivre un concert à quelques mètres d'un vrai musicien qui joue en direct, et dont le son vivant fait vibrer l'air jusqu'au tympan de vos oreilles, et non pas la membrane de votre chaîne hifi.

A vous de juger : Barenboim ce soir, Pierre Boulez demain, en direct sur Mezzo, à 20h les deux soirs. Et pour ceux qui veulent du spectacle bio, inscrivez-vous à ma liste de diffusion je vous enverrai personnellement une invitation pour le premier concert de la Saison 1 du nouvel orchestre baroque Symphonie de Breizh -direction : Claude Nadeau!- le 5 octobre prochain !