Je suis allée ce soir au concert de Gustav Leonhardt à la Cité de la Musique : il jouait sur deux instruments historiques qui font partie de la collection permanente du Musée, le clavecin Jean-Henry Hemsch, que je n'avais jamais encore entendu en vrai mais que j'ai déjà joué en copie (mais attention! en excellente copie signée Marc Ducornet), et également un clavecin Ioannes Couchet de 1652, classé trésor national, et acquis par le Musée de la Musique avec l'aide de l'Etat en 2003.

Un clavecin, un simple clavecin, trésor national de la République Française? Ca fait du bien de savoir qu'un bel instrument de musique peut être considéré trésor national, en ces temps d'audimètre et de Star Académie.

Tiens au fait, on devrait faire une Baroque académie : on enferme des jeunes dans un château, on leur donne des cours intensifs de clavecin, ou d'un autre instrument d'ailleurs, des cours de danse baroque, des cours de rhétorique, de contrepoint, de basse continue, et après quelques semaines, hop! on voit qui le public va sacrer "nouvelle star de la musique classique". Ca marcherait, vous croyez? Ah bon, la musique ça demande quoi? Du travail, vous dites? Naaaaan, incroyable!

Bref! très beau concert ce soir, qui affichait complet depuis plusieurs semaines. Ce n'est que grâce à une amie que j'ai pu obtenir exceptionnellement une place, et encore! j'étais assise par terre, sur une marche. Ce qui me plaçait, littéralement, aux pieds du Maître... Et qui m'a permis de constater, avant qu'il n'attaque chacune des pièces, un léger tremblement de mains du claveciniste : comment? même quand on est Gustav Leonhardt, avec 180 enregistrements à son actif, le Maître incontesté, le demi-dieu du clavecin, voire le dieu tout entier, on a parfois le trac? Le Maître, du coup, m'est apparu tellement humain. Tellement proche. Et son regard bleu qui scrutait la foule applaudissante, cherchant un regard sympathique, s'attardant un instant sur le mien (mais peut-être n'est-ce qu'une illusion du fait d'avoir été au premier rang?) couplé à l'intense bonheur d'entendre ces instruments exceptionnels tantôt frémir et tantôt rock'et'rouler m'ont procuré un intense bonheur.

Il n'y a pas de musique ancienne. Toute musique ne peut être que profondément contemporaine, au-delà des codes de l'esthétisme, dès lors qu'elle procure une émotion aujourd'hui même. Ce fut le cas ce soir.