Réveil à 5h ce matin pour prendre le TGV pour Vannes où j'accompagnerai les examens de la classe de chant d'Agnès Brosset, après courte nuit... puisque hier soir, après avoir passé une partie de la journée à répéter pour le concert du 20 mai à l'Archipel (Paris), j'ai passé une superbe soirée chez le directeur de cette salle, qui est également le producteur du label Saphir.

Moments magnifiques autour d'une délicieuse T'fina pkaila préparée par notre hôte, désireux de faire se rencontrer des musiciens et de susciter des projets. Instant d'anthologie sur la terrasse de l'appartement pendant lequel je me fais expliquer la mécanique quantique (rien que ça) par Laurent Naouri et Karen Vourc'h, qui est d'ailleurs comme moi une ancienne de l'Université McGill !

A la fin du dîner, propositions malhonnêtes de notre hôte, qui avait bien une idée derrière la tête en nous invitant chez-lui : cinq musiciens autour de la table... et des projets d'enregistrement chez Saphir. C'est comme cela que ça commence, autour d'un plat et avec du bon vin, avec de l'amitié, de la complicité et de la bonne cuisine. C'est ça, le métier de musicien... ou plutôt, c'est cela que ça devrait être...plus souvent...

Jeudi dernier je reçois un coup de fil d'une personne qui me demande si mon groupe de musique ancienne médiévale est disponible pour une animation musicale dimanche 17 à Tourcoing. C'est dans une semaine! je vérifie auprès de mes compères, je réponds oui. Au moment de passer aux choses plus techniques, je pose la question au nom de qui le contrat doit être fait ; et en fait il s'avère que le contrat est fait à une structure qui revend le spectacle à la Ville. Bon. Je me suis permis de poser la question : avec quelle marge allez-vous revendre notre prestation? En sachant que la profession d'Agent artistique, par exemple, est réglementée, et que la commission sur le prix de vente ne doit pas dépasser les 10%. Les choses sont différentes avec un "producteur" ou "manager", et il n'y a dans ce cas aucune règle sur la commission.

Et donc mon interlocuteur me répond que notre spectacle sera vendu avec une marge de 25%. Rien que ça. Je n'ai pas pu m'empêcher, j'ai rétorqué : "Aaaah non, désolée, nous, nous ne fonctionnons pas comme ça". J'ai regretté ma réaction par la suite, car par les temps qui courent, personne ne peut se permettre de refuser un contrat. J'en ai par ailleurs longuement discuté avec mon entourage, avec mes compères musiciens et avec l'un de mes amis qui est dans le commerce, et le sujet prête vraiment à débat.

Certes tout le monde doit gagner sa vie. je suis tout à fait d'accord de concéder 10% à un agent, qui s'occupe de la carrière d'un artiste ; ou davantage même à un producteur qui gère son écurie, qui suscite des projets et des rencontres, qui s'investit dans un groupe. Mais les prix que nous proposons sont étudiés au plus juste, et souvent même ils sont encore trop chers et le devis ne passe pas, une fois sur deux. La plupart du temps, pour une fête historique, pour une journée de travail musical spécialisé, au final chaque musicien touche entre 180 et 200 euros net. Et qu'une personne revende notre spectacle 25% plus cher, s'octroyant plus de 350€ pour s'être donné la peine de passer deux coups de fil en ayant trouvé nos coordonnées dans Google m'a un peu ulcérée.

C'est peut-être la dure loi du marché. Ce ne sont pas des commissions inhabituelles. C'est vrai que sans cette personne, la proposition nous ne l'aurions pas eue. Vaut-il mieux dans ces conditions accepter le contrat, ou rester chez-soi et ne pas bosser?

Quel monde néanmoins entre ces revendeurs de spectacles et le producteur qui a organisé le dîner d'hier!

Et pourtant, comme musicien, n'avons-nous pas vitalement besoin de gens qui nous apportent des contrats, meme s'ils prennent au passage une commission énorme? Comme je disais dans un précédent billet au sujet d'Hadopi, dans tous les cas ce sont les musiciens qui trinquent; les producteurs, les revendeurs, les majors du disques, eux, gagnent mieux leur vie que nous.