Scène de la vie ordinaire en Bretagne. Je viens de passer à la caisse du Monoprix Vannes, j'emballe mes courses pendant que le monsieur derrière moi traîne ses deux petites-filles. C'est son tour, il s'adresse à l'une des petites en lui tendant le sac de courses et lui dit : "Allez, mets dedans, jeune fille!" Et la petite de regarder son grand-père, interloquée, sans bouger. Je souris, lui répète "Ac'hanta, lak e barzh plac'h yaouank!" - et là le grand-père me décoche un regard à peu près équivalent à celui qu'il aurait lancé à une extra-terrestre. Mais oui monsieur, je parle en breton à votre petite-fille. Je viens juste de dire ce que vous venez de dire, je viens juste de remettre en ordre les syllabes dans la bonne langue, je viens juste d'utiliser juste la bonne tournure de phrase syntaxiquement correcte en breton et certes un peu étrange en français : vous qui avez perdu votre langue, vous ne le savez pas mais vous parlez breton malgré vous, c'est toute la structure de la langue bretonne qui est dans votre pensée et qui habille joyeusement le drôle de français que parlent certains Bretons. Mais qu'y a-t-il de si choquant dans le fait que je m'adresse en breton à une petite fille au magasin? Oui c'est la vôtre, pas la mienne, et alors? Et cela justifie votre regard noir?

Je suis sortie du magasin, mes courses à la main, un peu troublée. Dans le haut-parleur du supermarché, ça jouait du Nolwenn Leroy.

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