Baptême ce matin à Saint-Antoine des Quinze-Vingt de la petite Alicia, auquel la famille franco-italienne, qui semble apprécier la bella musica, m'a demandé de participer par ma musique. Sitôt fini, juste le temps d'avaler un repas express, en songeant aux agapes dont la France entière se gave en ce dimanche midi de la fête des mères, et en route... pour la synagogue et la célébration d'un mariage ashkénaze.

Les Ave Maria ont donc cédé la place aux 7 kiddouch et à Siman Tov, et je joue mon rôle de musicienne du culte toujours avec le même sérieux. Est-ce que le rabbin sait que je ne suis pas Juive? Peut-être pas. Peut-être que si. Qu'importe : je préfère chercher ce que nous avons en commun plutôt que ce qui nous sépare, et puis après tout, organiste c'est un métier comme un autre, qu'on l'exerce dans une église, une salle de concert, une synagogue ou un centre commercial! (comme au Japon...)

Après le mariage, je demande au rabbin, qui correspond soi-dit en passant en tout point à l'image qu'un non-Juif peut se faire d'un rabbin -barbu, costaud, sympa, et muni d'une superbe voix qui sait ornementer avec sophistication les chants hébreux- je lui demande donc s'il est satisfait de moi et si côté musique tout s'est bien passé (comme je demande toujours à tous mes interlocuteurs lorsque j'effectue un travail). Il m'a dit qu'il était ravi, et qu'il avait eu la sensation que par mon accompagnement j'avais réellement su le "porter", qu'il s'était senti libre dans son chant, suffisamment à l'aise pour se laisser aller vocalement, confiant que j'allais le suivre et le soutenir.

Je vous avoue que j'ai été émue, qu'un grand gaillard dise à une petite puce comme moi que j'avais réussi à le "porter" - l'image fugace d'un pas de deux loufoque où je le porte dans un entrechat digne de Fantasia m'effleure l'esprit - mais ce qui serait ridicule pris au pied de la lettre devient magique en musique.

Et c'est là que la magie opère, en fait : cette musique qui a su sourdre, qui survient à un moment précis en défiant toutes les lois, celles des religions qui ne se parlent pas, ou enfin pas assez, celles de l'âge, et celles du genre, et alors l'instant magique se produit. Et dans mes propres croyances personnelles, cet instant de musique accompagnera tout au long de leur nouvelle vie les mariés d'aujourd'hui...

Mazel tov! (et merci à Bruno S. pour la photo!)